"La vie me tire par la manche
Vers l'ombre où s'est cachée
Mon ombre pour la nuit (...)
Les obus sifflent autour de moi
La chair de mes copains a volé ça et là
C'est d'un mauvais goût..."
(Paroles de la chanson L'Autre de Patrick Dewaere)
Extrait de Série Noire d'Alain Corneau, 1979.
« Le matin, on avait fait des essais pour Edith et Marcel, avec Evelyne, et on a déconné, on s'est amusé tous les trois comme des enfants. A une heure, on déjeunait. A trois heures, il se suicidait. » C'est Claude Lelouch qui parle, le lendemain de ce 16 juillet 1982, où Patrick Dewaere, une fois rentré chez lui, s'est tiré une balle de carabine dans la bouche. Il avait 35 ans et 35 films derrière lui.
La presse, qui l'avait souvent descendu pour son manque de coopération (« Non, mais tu vois ma gueule à la télé, entre la poire et le fromage ! »), explique le geste par le tourment d'un drogué notoire, incapable de supporter les affres d'une cure de désintoxication. Les amis, Bouteille, Coluche, Bouchitey, restent silencieux. Toute la profession est mal à l'aise. « Si son geste était prémédité, s'il se sentait mal depuis longtemps et que nous n'avons rien vu, rien ressenti, alors c'est que nous sommes des monstres », dira encore Lelouch.
Ressentir et faire ressentir aux autres, c'est pourtant ce que Patrick a toujours fait. Avec éclat et sans détours. Il avait même été programmé pour ça, par une mère actrice et procréatrice insatiable. Mado Maurin mise sur ses cinq enfants pour saisir une gloire qui l'avait toujours fuie. Jean-Marie Patrick naît le 26 janvier 1947, entre deux tournées des J3 Maurin, troupe d'opérette où figurent déjà ses deux frères aînés, ainsi que le compagnon de Mado, Georges Collignon, jeune ténor d'opéra-comique.
(...)
Aux yeux de sa mère, ce n'est pas lui, le plus doué de la troupe. A ses yeux non plus : « Je détestais jouer. Mes parents m'y obligeaient. D'ailleurs, mes nombreux frères étaient plus doués que moi. Cela m'énervait. » Et il s'énerve souvent. Pour un rien. Bien qu'intériorisées, ses crises d'adolescence sont impressionnantes. Livide, les joues soudain creuses, il semble imploser sous l'impact d'une fureur qui n'éclate jamais. Il est acteur professionnel, il sait garder le masque.
Inévitablement, ses rapports avec les garçons de son âge sont faussés. Ils le taxent de « bouffon prétentieux ». Ses seuls amis sont les adultes qu'il croise dans les studios. Comme Yves Robert, qui s'inquiète d'ailleurs de le voir mûrir si vite : « Sa famille éduquait les enfants pour être comédiens, les négociait très jeunes pour des rôles, leur apprenait ça comme on apprend des tours à des petits chiens savants... »
(...)
« Il était très beau, superbe. Il avait du panache et de l'humour, qualités peu fréquentes... Il savait être romantique, drôle, tragique, exactement comme les stars des années folles... » S'il fait fuir les femmes et les amis, « l'homme fatal » subjugue Maurice Dugowson, qui écrit F comme Fairbanks spécialement pour lui. Il ne se trompe pas. En 1976, à la sortie du film, Dewaere est comparé à Errol Flynn et à Clark Gable. Ses cachets grimpent, il s'installe dans un duplex à Saint-Germain-des-Prés. Sa cour de parasites le suit. La même année, il est nominé pour le césar du meilleur second rôle pour Adieu Poulet. Il ne l'aura pas. Durant toute sa carrière, il ne sera jamais récompensé par un prix.
Patrick se sent injustement puni. Il ne comprend pas : il joue mieux que les autres, alors pourquoi on ne l'aime pas plus que les autres ? Pour convaincre et séduire encore plus, il se lance alors dans un marathon de tournages. Le Shérif (« une grosse Bertha ») ; Préparez vos mouchoirs, où il retrouve Depardieu ; enfin Coup de tête, qui lui attire les foudres de la presse, parce qu'il refuse d'en faire la promotion : « Je n'ai rien à dire en dehors de mes films. Un film, je le joue pour n'avoir pas à dire, justement. Alors... »
Alors, il cherche d'autres défis. Décide de traverser le Sahara à moto ! Mais une fois sur place, les autorités refusent de le laisser partir dans les dunes comme ça, avec une gourde et une couverture. Il revient à Paris hors de lui : « Ils n'ont pas voulu que je traverse le désert à moto ! Ils n'ont pas voulu ! Non mais de quoi je me mêle ? D'accord, c'était peut-être complètement con comme idée, mais je pouvais bien m'en rendre compte tout seul ! Franchement ! Jamais plus je ne remettrai les pieds dans ce bled. »
II se réfugie donc dans la musique, persuadé qu'il sera enfin « son propre maître ». Dans le studio d'enregistrement installé dans son duplex, il bosse comme un fou sa guitare, son orgue, son piano, sa trompette, son accordéon. .. Il sort un disque coécrit avec Sotha, qui parle de « la chaleur de l'arme», de « filles renversées sur le Skaï des boîtes de nuit », de « cœur à contrecœur ». Le bide. Trop mou, trop violent, ou rien de tout ça. Patrick crâne. Affirme que, de toute façon, il ne veut pas faire « singe savant ». Mais admet : « Je me suis mis dans la peau des Rolling Stones... mais je ne me suis pas trouvé. » II ne se trouve nulle part.
Ces textes sont des extraits.
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Ce récit fait aussi partie du recueil Deux pairs d'as du cinéma : Depardieu-Dewaere, Nicholson-Travolta, dans la collection Les Bios Epiques, aux éditions eFeuilles. Pour commander ce recueil, rendez-vous ici.
Ce récit fait aussi partie du recueil Deux pairs d'as du cinéma : Depardieu-Dewaere, Nicholson-Travolta, dans la collection Les Bios Epiques, aux éditions eFeuilles. Pour commander ce recueil, rendez-vous ici.