Extrait :
1990, sa gloire est au zénith. Nommé meilleur acteur à Cannes pour le Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, il reçoit aussi le César, tandis que le film est nommé meilleur film de l'année. Quelques mois plus tard, Depardieu est nominé aux oscars comme meilleur acteur, tout auréolé du succès aux Etats-Unis de son premier film tourné en anglais, Green Card, de Peter Weir. L'Amérique lui tend les bras.
Mais cette nomination, honneur rarissime pour un acteur européen, est aussi le début d'un sombre imbroglio. Le 4 février 1991, Richard Corliss signe dans Time Magazine un portrait titré "La vie dans un grand verre", pimenté d'une interview réalisée par une journaliste à Paris, dans laquelle Depardieu se vante d'avoir participé à plusieurs viols à l'âge de 9 ans. La précocité de l'acte aurait pu alerter la rédaction, mais l'affaire enflamme les médias. Depardieu est traîné dans la boue et sa nomination comme meilleur acteur mise aux oubliettes. Il nie, mais le mal est fait.
Réhabilité par son biographe, Paul Chutkow, qui prouve que personne n'a consulté l'enregistrement original, dont la bande s'est arrêtée avant cette fameuse confession, l'affaire refroidit brutalement les ardeurs américaines de Depardieu. II se met à boire et déprime. A Bougival, Elisabeth s'inquiète des répercussions sur ses enfants.
A Paris, les beaux esprits voient rouge et Jacques Attali, très sérieux conseiller de François Mitterrand - auquel il a présenté Depardieu -, parle de conspiration contre la France, tandis qu'Elisabeth Badinter croit pouvoir parler de "chasse aux sorciers". Durablement affecté, Gérard compense en mangeant et en buvant et manque de se faire éjecter du tournage de Tous les matins du monde, où son fils Guillaume fait des débuts remarqués.
L'échec aux Etats-Unis comme en France de la superproduction 1492 retraçant le périple de Christophe Colomb n'arrange pas les choses. Difficile décidément de conquérir l'Amérique. Et pour tout compliquer encore un peu plus, en janvier 1992 son mariage sombre définitivement avec l'annonce de la naissance de Roxanne, née de sa liaison avec le mannequin Karyne Sylla. Pire, son fils Guillaume est arrêté pour trafic de drogue et condamné à plusieurs mois de prison ferme.
Gérard a 45 ans et ne cache plus sa lassitude face aux rôles qu'on lui propose. Pourquoi ne pas essayer autre chose ? Très logiquement, celui que Truffaut désignait comme un "entremetteur dans l'âme" se découvre un talent pour produire des films, en particulier ceux de Nick Cassavetes, dont il admirait tant le père. Une même envie de nouveau et d'amitié qui lui fait apprécier la compagnie du producteur de poulets Gérard Bourgoin, que Jean Carmet lui a présenté. Ensemble, ils parcourent le monde, à bord du Falcon de son ami. Un jour, ils sont à Cuba, fumant le cigare avec Castro, le lendemain à Sotchi, le surlendemain, ils volent au-dessus d'un champ de puits de pétrole américain qu'ils envisagent d'acheter.
Le producteur-vigneron ne renonce pas pour autant à faire l'acteur et tourne encore en Amérique un remake de Mon père, ce héros ainsi que Bogust en compagnie de Whoopi Goldberg. Mais les héros sont fatigués et les deux films sont des bides. Son corps suit désormais la courbe inverse de son moral :
Ce n'est pas marrant de ne pas pouvoir se baisser, bouger comme on veut. Il y a un moment où le corps nous échappe, c'est comme la vieillesse ; j'ai rarement rencontré un vieillard heureux.Ces extraits font partie de Gérard Depardieu - Parmi les hommes..., par Annette Vezin, disponible à l'achat ici. Ce récit fait aussi partie du recueil Deux paires d'as du cinéma : Depardieu-Dewaere, Nicholson-Travolta, dans la collection Les Bios Epiques, aux éditions eFeuilles. Pour commander ce recueil, rendez-vous ici.
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